novembre 20, 2020

Transformation du modèle du fonds en euros des assureurs

Au 20 novembre 2010, les emprunts d’État à 10 ans de l’État Français
permettaient de se financer à un taux qui ferait pâlir n’importe quel gérant
aujourd’hui : 2,796 %. Si les emprunts d’État à 10 ans étaient remontés à
3,788 % en avril 2011, l’OAT 10 est en territoire négatif aujourd’hui (-
0,351%).
Fort de ce constat, il semble logique que les assureurs ne puissent proposer
des fonds en euros attractifs. Avec 1,4 % de rendement moyen sur les fonds
en euros en 2019 et certainement 40 points de base de moins pour 2020, la
décollecte en assurance vie est la conséquence naturelle de la déception des
performances des fonds en euros. Cette année, l’assurance vie a connu sept
mois consécutifs de décollecte, portant à plus de 7 Md€ nets les fonds retirés
depuis début 2020. Le combo de la baisse des fonds en euros associé au
contexte économique lié à l’épidémie de coronavirus explique certainement
l’ampleur des retraits.
Depuis 40 ans, l’assurance vie a cultivé cette « exception française » avec les
fonds en euros. Les assureurs ont créé une accoutumance avec l’épargnant
pour lequel le taux sans risque surperformait l’inflation. Cette « exception
française » est désormais terminé.
Depuis quelques années, la conjugaison du triangle d’or est mise à mal :
rentabilité, liquidité et sans risque. A cela, on peut rajouter une fiscalité
adoucit dans le temps et une transmission successorale facilitée.

Pour maintenir des rendements attractifs, alors que les taux d’emprunts
d’État sont en territoire négatif, il sera nécessaire de pouvoir investir sur des
actifs plus risqués comme les actions, le private equity ou les infrastructures.
Ce qui, dans l’univers de Solvabilité 2, coûte cher en fonds propres aux
assureurs.
Deux solutions s’offrent donc aux assureurs pour construire une solution
attractive : encadrer la liquidité ou réduire la garantie sur le capital du fonds
en euros.
Les assureurs ont déjà mis un certain nombre de contraintes d’accès aux
fonds en euros (obligation d’investir sur des unités de compte par exemple).
Désormais, on voit fleurir aujourd’hui des fonds en euros dont la garantie est
érodée avec un quasi-fonds en euros (98 % du capital garanti). De plus, les
assureurs proposent la garantie du capital net de frais de gestion en lieu et
place de la garantie brute de frais de gestion.

L’échec du contrat Euro-croissance démontre que les Français sont attachés à
la liquidité de leurs placements, même si elle pénalise le rendement. La
recherche de la sécurité avec les fonds en euros démontre également que les
français ne sont pas préparés et prêts à ce changement, devant l’absence de
pédagogie des assureurs.

L’idée majeure des assureurs est de proposer aujourd’hui la modulation de la
garantie sur le capital. Cela permettra ainsi aux assureurs de retrouver une
marge de manœuvre d’investissement compatible avec les contraintes
Solvabilité 2.
La collecte sur des sous-jacents immobiliers (SCPI, SCI, …) donnent à penser
que le rendement des fonds en euros ou quasi fonds en euros ne leur suffit
pas. En effet, quitte à prendre un risque avec la non-garantie du capital,
autant que cette performance soit plus importante que 1 ou 2 %
actuellement sur les fonds en euros.
L’épargnant s’y retrouve-t-il ?
Le graal du triangle d’or (rentabilité, liquidité et sans risque) ne peut être
atteint. Alors, quitte à sacrifier un élément du triangle, autant que les autres
composantes soient performantes. Nous avons décidé de travailler avec la
Mutuelle Garance afin de proposer un rendement à 3 % (pour 2019) et qui
devrait le maintenir en 2020. Cette performance presque anachronique dans
le monde de taux bas permet de faire dialoguer la sécurité, la liquidité et une
réelle performance en rapport avec le marché des fonds en euros.

Dans la lignée du focus que « 60 Millions de consommateurs » a réalisé sur
les frais des contrats d’assurance vie et autres véhicules d’investissements,
les assureurs pourraient faire œuvre de pédagogie sur cet autre facteur
d’attractivité de l’assurance vie. En effet, derrière cette terminologie se cache
le coût de la garantie du capital, qui a triplé en dix ans. La digitalisation des
contrats permet de contenir les vrais coûts de gestion. La transformation
digitale de l’assurance vie est en marche. Il devient urgent de passer à sa
transformation financière et technique. Elle ne peut réussir que grâce à une
mobilisation collective des assureurs pour préserver l’avenir du fonds en
euros.

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Philippe Agnelli


Philippe Agnelli est titulaire d'un master II en gestion internationale de fortune. Passionné d'immobilier et de solutions financières il à fondé le cabinet de gestion de patrimoine Signatures Patrimoine. N'hésitez pas à le contacter.

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